Contexte historique et faits observés
Au sortir des combats culminants, notamment après la bataille de la Bérézina, Napoléon et sa Grande Armée rentrent de Russie en plein hiver 1812. Les soldats sont épuisés, affamés et gelés; beaucoup meurent dans des conditions extrêmes, des fièvres d’origine peu élucidée étant rapportées.
Des analyses récentes invitent à réévaluer cette crise sanitaire dans le cadre des campagnes napoléoniennes, en ouvrant une piste nouvelle pour comprendre les causes de mortalité lors de la retraite.
Une avancée paléogénomique et les méthodes utilisées
Des chercheurs de l’Institut Pasteur, avec Rémi Barbieri, postdoctorant à l’Université de Tartu (anciennement affilié à Pasteur), ont étudié treize squelettes de soldats exhumés à Vilnius, en Lituanie. Ils ont soumis les dents à une analyse d’ADN ancien parmi les techniques les plus pointues en paléogénomique.
Cette approche a permis d’identifier deux bactéries jusque-là considérées comme non documentées dans ce contexte, dont l’une appartient au type Salmonelle et peut provoquer une fièvre semblable à une fièvre typhoïde, transmise notamment par l’eau et les aliments contaminés.
Les agents pathogènes identifiés
La seconde bactérie détectée est Borrelia recurrentis, transmise par les poux du corps et à l’origine de la fièvre récurrente. Il reste toutefois impossible de déterminer dans quelle mesure ces pathogènes ont contribué à la mortalité élevée lors de la retraite.
Réactions des spécialistes et implications historiques
Pour l’historien et archéologue Johan Vaucher, doctorant à l’UNIL, cette découverte n’altère pas la grande Histoire des campagnes napoléoniennes, mais elle apporte un éclairage nouveau : même avec un échantillon de 13 corps, l’information peut refléter des conditions sanitaires du temps.
Il souligne que l’étude montre aussi comment les sciences liées à l’époque napoléonienne peuvent s’ouvrir à d’autres technologies et approches, moins centrées sur le récit littéraire et davantage sur des données scientifiques.
Impact sur la santé publique contemporaine et le savoir historique
Les résultats de l’étude nourrissent aussi des perspectives pour la santé publique moderne, en infectiologie. Selon Rémi Barbieri, l’analyse des bactéries anciennes aide à comprendre l’émergence et l’évolution de pathologies passées, et peut contribuer à expliquer leur disparition et à mieux anticiper certaines pandémies futures.
En synthèse, ces travaux illustrent comment la paléogénomique peut enrichir l’Histoire et offrir des enseignements utiles pour l’infectiologie actuelle et l’approche scientifique des épidémies.
