Droite en Amérique latine : modérée ou radicale, une reconquête en marche

Une droite en plein renouveau en Amérique latine

En remportant la présidentielle, Rodrigo Paz a porté un nouveau coup à la gauche sociale latino-américaine, longtemps soutenue par l’ancien président bolivien Evo Morales.

Si le nouveau président bolivien est jugé modéré, une tendance de fond se dessine sur le continent : la droite serait de retour et pourrait influencer les prochaines échéances électorales au Chili, au Honduras, au Costa Rica, au Pérou ou en Colombie.

Dans ces pays, une droite radicale axée sur la sécurité et l’autoritarisme gagne en visibilité et attire un soutien croissant dans l’électorat.

La question migratoire, facteur déterminant

Olivier Compagnon, professeur d’histoire contemporaine à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine de l’Université Sorbonne-Nouvelle, rappelle que ce mouvement s’inscrit dans un mouvement global, presque planétaire, dont l’Europe n’est pas épargnée, avec des circuits politiques de plus en plus polarisés et des droites radicales qui émergent et prennent le pouvoir.

Il évoque toutefois une composante régionale propre au continent : le second mandat de Donald Trump. Le président américain n’intervient pas directement dans les campagnes électorales, mais en promettant son soutien à la droite face à des candidats issus de la gauche, il peut donner l’impression que la coopération avec les États-Unis serait renforcée.

Une photo fournie par le ministère vénézuélien de l’Intérieur montre certains migrants vénézuéliens arrivés du Honduras après leur expulsion des États-Unis, à l’aéroport international Simon Bolivar de La Guaira, le 24 mars 2025.

Plus largement, d’autres facteurs expliquent cette dynamique régionale : au-delà des particularismes nationaux, la question migratoire occupe une place centrale dans les agendas politiques latino-américains, et en particulier les migrations vénézuéliennes. Depuis une dizaine d’années, huit millions de Vénézuéliens – un quart de la population – ont quitté leur pays.

La prégnance de cette thématique favorise les partis de la droite identitaire, un facteur décisif pour penser la question politique à l’échelle de la région.

Fascination pour l’expérience Bukele

Le professeur relève aussi une fascination parmi les droites radicales latino-américaines pour l’expérience Bukele au Salvador, une dynamique qui nourrit les réflexions sur l’avenir de la démocratie dans la région.

Élu démocratiquement en 2019 dans un pays marqué par les violences et l’insécurité, Nayib Bukele déploie une politique très dure contre les gangs, emprisonnant près de 80 000 personnes dans des conditions extrajudiciaires, sans procès ni condamnation officielle, ce qui est perçu comme une remise en cause de l’État de droit.

Quelques années plus tard, en 2024, il se représente devant les électeurs et est élu au premier tour avec 82 % des suffrages. Le professeur souligne que ce basculement autoritaire est soutenu par l’essentiel de la population.

Dans plusieurs pays, notamment au Pérou et, dans une moindre mesure, au Chili, l’idée que l’expérience Bukele pourrait répondre à certaines problématiques régionales se fait entendre, ce qui amène à s’interroger sur l’avenir de la démocratie en Amérique latine, conclut le professeur.

Propos recueillis par Cédric Guigon

Texte web : Julien Furrer