Donald Trump et les géographes au FIG
Du vendredi au dimanche, des géographes réunis au Festival international de géographie (FIG), dans l’est de la France, ont évoqué Donald Trump comme un « objet d’étude » à la fois fascinant et inquiétant. À Saint-Dié-des-Vosges, où se tient chaque année le FIG, l’ancien président américain est régulièrement mentionné au fil des conférences, en lien avec les thèmes abordés sur les dynamiques du pouvoir et leurs répercussions spatiales.
Pour Camille Escudé, chercheuse à Sciences Po Paris, « le thème du festival cette année, c’est le pouvoir, et ce que nous montre Donald Trump, c’est le retour à un pouvoir national fort, décomplexé, dans ses formes et dans ses traductions spatiales aussi ». Elle ajoute que le sujet « lui donne du grain à moudre » et évoque, sans détour, les interviews et les hypothèses autour d’épisodes tels que des tentatives perçues de modifier des cartes ou des territoires.
Des gestes symboliques et des enjeux géographiques
Plusieurs intervenants soulignent que Trump représente, pour l’analyse cartographique, une figure où le pouvoir s’exprime non seulement par des décisions politiques mais aussi par des actes qui influent sur l’espace. Selon cette spécialiste de l’Arctique, « c’est un objet politique avec des conséquences géographiques » qu’il convient d’étudier comme tel, tout en notant une part d’inquiétude. D’autres expliquent que la frontière peut devenir, dans ce cadre, une question de force et de pratique, révélant des dynamiques déjà observables mais amplifiées par le discours présidentiel.
Les discussions évoquent notamment l’intervention de l’agence de l’immigration américaine, l’ICE, dans le cadre d’un programme d’expulsions massives, comme un élément qui éclaire les rapports entre droit, pouvoir et géographie des territoires.
Des renommer des lieux et des implications cartographiques
Frédéric Giraut, spécialiste de toponymie à l’Université de Genève, témoigne d’un épisode marquant: Donald Trump, revenu au pouvoir, a renommé de façon unilatérale certains points sur des cartes. Le Denali, point culminant des États‑Unis, nommé autrement depuis 2015, est revenu au nom « mont McKinley ». Le golfe du Mexique, nom d’origine préhispanique, a été brièvement évoqué comme devant devenir le « golfe d’Amérique », une modification signalée par l’Associated Press (AP). Pour Giraut, ces gestes illustrent une dimension suprémaciste et posent des questions en lien avec les engagements internationaux, notamment ceux qui visent à promouvoir les langues et les savoirs autochtones.
Il souligne que « c’est effrayant, parce qu’il y a cette dimension suprémaciste qui va à l’encontre d’engagements internationaux, notamment ceux liés au développement durable et à l’inclusion des langues minoritaires », et rappelle que la cartographie peut devenir un terrain de propagande et de politique linguistique.
Une fin d’ère et des pronostics géopolitiques
Laurence Nardon, spécialiste des États-Unis à l’Institut Français des Relations Internationales (Ifri), voit dans ces évolutions une « fin d’une ère » — celle du multilatéralisme fondé sur la coopération, le droit international et les institutions comme les Nations Unies. Elle affirme que, d’un point de vue politique, l’analyse est absolument fascinante, mais elle met aussi en évidence un volet anxiogène, particulièrement depuis le début du second mandat républicain et les attaques perçues contre les universités, l’état de droit et les médias.
Pour autant, les chercheurs appellent à la prudence face à une interprétation univoque: les frontières ne se redéfinissent pas uniquement par les gestes d’un acteur unique. Frédéric Giraut rappelle qu’en parallèle des réactions des grandes plateformes privées, des ressources collaboratives émergent comme des contrepoints. Il mentionne Wikipédia et, sur le plan cartographique, OpenStreetMap comme des espaces de résistance potentiels, face à des décisions centralisées qui pourraient modifier les représentations des territoires.
Entre idéal de résistance et réalité numérique
Le débat met ainsi en lumière la tension entre les dynamiques étatiques et les initiatives citoyennes qui participent à une cartographie plus participative. Les géographes notent que, si Google Maps ou Apple Plans ont suivi des orientations officielles, des plateformes collaboratives offrent des espaces alternatifs et critiques où les habitants et les chercheurs peuvent réviser ou remettre en question certaines griffes cartographiques. Cette dimension de résistance numérique est évoquée comme un élément important dans la compréhension des rapports entre pouvoir, territoire et données géographiques.
En conclusion, les échanges lors du FIG reflètent l’actualité et ses implications pour la géographie: Donald Trump est perçu comme un sujet d’étude complexe, capable d’éclairer les mécanismes du pouvoir à travers des pratiques spatiales et des discours qui influent sur les territoires. Les participants s’accordent néanmoins sur l’importance de distinguer les faits des interprétations et de favoriser une approche critique et méthodique dans l’analyse des dynamiques géopolitiques contemporaines.