Une approche ironique et mesurée du macabre
L’ouvrage réunit des micro-nouvelles autour d’un sujet universel: la mort. Perrine Baron, professeure de Lettres Modernes, aborde ce thème avec distance et humour, en proposant un ensemble de courts textes au style lucide et décalé, dans un petit livre noir bordé de rose vif. Le ton laisse présager que le macabre domine le récit.
Première immersion: chez le thanatopracteur
Le livre s’ouvre sur une visite chez un thanatopracteur surnommé ‘Anubis 2000’ (réellement Alain), que l’autrice rencontre pour approcher la frontière entre les vivants et les morts. « Après la mort, les ongles, les poils et les cheveux continuent de pousser », écrit l’introduction, une observation propice aux fantasmes et à l’examen de l’âme.
Il me raconte comment sa femme et ses filles lui offrent parfois des fonds de teint, des poudres et autres fards à paupières qu’elles n’utilisent plus ou qu’elles achètent en boutique.
Promenade mortuaire
La marche dans le domaine mortuaire se déploie par mille entrées: la couleur noire du deuil, popularisée par Anne de Bretagne et issue de pigments de cochenille; les mystères de la kabbale; les enfers dans les cultures; et une ressemblance troublante entre la grand-mère de l’autrice et la créature de Frankenstein. Certaines pratiques encore évoquées, comme le retournement des morts à Madagascar, consistent à sortir les défunts de leur linceul tous les sept ans, les parer de soie et les promener avant de les ranger.
La zombification est présentée comme une réalité sociale particulière, notamment en Haïti, loin des clichés cinématographiques. À l’origine, il s’agissait de manipuler une personne par emprise chimique, utilisant des psychotropes et des plantes qui agissent sur le système nerveux, et notamment la toxine contenue dans le poisson fugu.
Taphophobie: la peur d’être enterré vivant
La taphophobie occupe une place centrale dans l’imaginaire macabre. Autrefois réelle (le certificat de décès n’étant officialisé en France qu’en 1960), la crainte de se réveiller dans une tombe hante les fictions d’épouvante. Pour s’en prémunir, on a eu recours à des systèmes de clochettes ou à des cercueils dotés de poignées de secours. L’auteure rappelle aussi l’anecdote associée à Chopin: « Si vous brûlez du grand désir de voir le cœur de monsieur, rendez-vous à Varsovie, église de la Sainte-Croix, troisième pilier à gauche ». Un clin d’œil historique qui illustre cette inquiétude.
À travers un récit qui ressemble à un one-woman show, Perrine Baron mêle anecdotes, hypothèses et curiosités biologiques — des bézoards à l’ambre gris — pour offrir une vision libre et lucide de la mort, où noir et lumière coexistent.
Perrine Baron, On ne badine pas avec la mort, Actes Sud, octobre 2025.
